Chaque année maintenant, la rivière entre à Cần Thơ deux fois par jour pendant quelques jours dans les semaines qui suivent l'équinoxe.
Avec leur cohorte de drames et le coût qu'elles font porter à la société, les inondations sont peut-être juste un signe de l'histoire en devenir: elles sont provoquées par de nombreux facteurs, certains globaux et inaccessibles, d'autres où nous pouvons agir. Mais pouvons-nous vraiment?
Les inondations en général ne sont pas nécessairement mauvaises, en particulier les inondations saisonnières d'une rivière. Elles apportent des alluvions de l'amont, et les déposent en nouvelles strates sur le sol, et les jours de hautes eaux apportent habituellement à la terre du delta un renouveau de capacité à porter la vie. En fait, sans inondations, il n'y aurait pas de delta du Mékong. Et pourtant, les inondations portent un coût en dommages, en santé publique, et même en vies humaines.
Des ombres progressent silencieusement au-travers du marché après le coucher du soleil.
Elles sont chargées de grands fardeaux qui les cachent à la lumière des réverbères, et de la fatigue de la journée passée.
Leurs deux charges se révèlent alors qu'elles s'approchent des lampes, les unes, terrestres, dans des couleurs beaucoup plus que les autres, immatérielles. Jaune vif ici, riche rouge là, ont taché pour toujours leurs mains et leurs âmes.
Là où elles posent leurs produits, au sol sur le quai, elles les mettent en scène attentivement. Dans la lumière vacillante de lampes à pétrole, on peut discerner la production unique du village, des nattes de jonc. Une heure encore, et le marché va s'animer d'acheteurs qui auront attendu l'heure de la nuit pour accoster. C'est dire la qualité des nattes de jonc de Định Yên.
Je savais que ça serait une grande nuit.
Ce soir, ça ne sera pas une promenade dans la foule dans l'ombre, avec Maman qui me tient par la main tout le temps: ma grande sœur Thi m'a promis qu'elle m'emmènerait avec elle ce soir. Elle a dit qu'on irait sur la rivière avec Papy Thống et son bateau de tourisme.
On va aller lâcher des lanternes sur la rivière.
Le delta du Mékong a été la scène de grands chantiers de canaux depuis le début du XIXème siècle, bien avant l'arrivée des Francais. Dans les années 1850, le canal de Vĩnh Tế, entre Tân Châu et Hà Tiên sur le golfe du Siam, était une route commerciale vers la Thailande.
On peut toujours naviguer une partie du canal aujourd'hui.
Un vapeur nommé Bassac navigait le Mékong au XIXème siècle.
L'histoire des Messageries Fluviales de Cochinchine a eu des hauts et des bas, et a été plus ou moins morale, mais s'il y a bien une chose qu'ils savaient faire, c'était s'équiper de bateaux adaptés à leur mission. Si les premières chaloupes étaient rapides pour leur temps, et assez légères pour être transportées au-travers de Khône, les vapeurs qui navigaient le bas Mékong étaient, eux, bien adaptés à cette région.